Phallus, Femme, Objet (a), Don-juanisme, 1963

La revendication du penis chez la femme, en tant qu'il fonctionne comme objet (a), est originellement lié au rapport à la mère, c’est-à-dire à la demande. L'objet se constitue directement à partir de ce qu'elle n'a pas, alors que chez l'homme, c'est à partir de ce qu'il n'est pas. Dès lors, on peut interpréter la figure de Don Juan comme un fantasme féminin, l'image (évidemment) trompeuse d'Un qui l'a déjà tout fonctionnel (à la demande) et, mieux, qui le possèdera toujours (ce qui le rapproche de sa propre constitution de femme, c'est qu'on ne pourra jamais le lui prendre).


"Pour la femme, c'est initialement ce qu'elle n'a pas, comme tel, qui va devenir, qui constitue au départ, l'objet de son désir, - alors qu'au départ, pour l'homme, c'est ce qu'il n'est pas, c'est là où il défaille. C'est pour cela que je vous ai fait vous avancer par cette voie du fantasme de Don Juan. Le fantasme de Don Juan, et c'est en cela qu'il est un fantasme féminin, c'est ce vœu chez la femme, d'une image qui joue sa fonction - fonction fantasmatique - qu'il y en a un, d'homme, qui l'a d'abord - ce qui est évidemment, vu l'expérience, une méconnaissance évidente de la réalité - mais bien mieux encore : qui l'a toujours, qui ne peut pas le perdre. Ce qui implique justement la position de Don Juan dans le fantasme, c'est qu'aucune femme ne peut le lui prendre, c'est ce qui est essentiel, et c'est évidemment - c'est pour cela que je dis que c'est un fantasme féminin - ce qu'il a dans cette occasion de commun avec la femme, à qui bien sûr on ne peut pas le prendre puisqu'elle ne l'a pas."
LACAN, S.X, 27/03/1963

Sujet, Jouissance, Objet a, Angoisse, 1963


Le sujet S va vers son avènement de sujet désirant selon le principe d'une division par rapport grand Autre A qui lui préexiste comme "trésor du signifiant". Ce S initial n'est rien d'autre que mythique au titre de ce qu'on pourrait nommer le "sujet de la jouissance". Il faut partir de cette jouissance d'un sujet hypothétique sans existence pour en déduire, dans un second puis dans un troisième temps, respectivement l'angoisse et le désir. Le (a) est ce réel qui choit de l'opération, ce qui par rapport au A décomplété (A barré) deviendra à l'occasion cet objet non reconnaissable venant pour occulter le manque et provoquer l'angoisse. Définir le (a) comme une sorte de "métaphore du sujet de la jouissance" serait approximatif, voire contradictoire, puisque par définition l'objet n'est en rien un signifiant, est même ce qui résiste radicalement à la fonction signifiante, en tant que déchet et reste de jouissance. Par ailleurs, il est le corrélatif essentiel pour le sujet désirant (sujet barré) advenu dans l'opération, il est la cause de son désir en tant que manquant, ce qui permet de comprendre l'interférence de l'angoisse avec le désir et sa fonction médiane entre le désir et la jouissance.


"La fin de mon discours, je pense, vous a suffisamment permis de reconnaître comment pourrait être - à ce niveau mythique, préalable à tout ce jeu de l'opération - être dénommé « le sujet », en tant que ce terme ait un sens, et justement pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons, qu'on ne peut d'aucune façon l'isoler comme sujet, mais mythiquement nous l'appellerons aujourd'hui « sujet de la jouissance », car comme vous le savez - je l'ai écrit ici la dernière fois - les trois étages auxquels répondent les trois temps de cette opération sont respectivement: la jouissance, l'angoisse et le désir. C’est dans cet étagement que je vais aujourd’hui m’avancer pour montrer la fonction, non pas médiatrice mais médiane de l’angoisse, entre la jouissance et  le désir... J’ai dit de l’angoisse en tant que terme intermédiaire entre la jouissance et le désir, en tant que, c’est franchie l’angoisse, fondé sur le temps de l’angoisse, que le désir se constitue."
LACAN, S.X, 13/03/1963

Amour, Désir, Jouissance, Objet a, 1963

Il n'y pas d'autre moyen d'accéder à l'Autre, sur la voie du désir, que d'en passer par l'objet (a). En tant qu'il désire, le sujet n'est jamais qu'absence de (a), et l'Autre qu'il désire s'en trouve immanquablement "a-ifié"... Ce qui ne peut que susciter son angoisse. Cette fonction du (a) vaut pour les deux sexes, quant au désir, même si la femme - "qui ne manque de rien" affirme Lacan - ne fait pas nécessairement de la jouissance le terme de son désir. La solution de cette impasse ? C'est que "seul l’amour permet à la jouissance de condescendre au désir", c'est-à-dire que l'amour joue un rôle de sublimation par rapport au désir, c'est-à-dire encore que l'amour seul parvient à sublimer le manque.


"Supposons, ce qui saute aux yeux, qu’en référence à ce qui fait la clé de cette fonction de l’objet du désir, la femme - ce qui est bien évident - ne manque de rien. Parce qu’on aurait tout à fait tort de considérer que le penisneid soit un dernier terme... Le fait qu’elle n’ait, sur ce point, rien à désirer... le fait de n’avoir rien à désirer sur le chemin de la jouissance ne règle pas assurément pour elle la question du désir, justement dans la mesure où la fonction du (а), pour elle comme pour nous, joue tout son rôle."
LACAN, S.X, 13/03/1963

Objet a, Phallus, Chute, Manque 1963

L'objet (a) n'est pas seulement la cause du désir, il peut apparaître comme ce qui reste ou ce qui choit de l'expérience du désir, lorsque celui-ci vient à se "satisfaire". C'est à ce niveau que le phallus réel dans l'acte de la copulation - et contrairement à d'autres objets qui peuvent y survivre sans faire à ce point triste figure, disons, comme les seins -, se trouve marqué d'une négativité particulière élevée au niveau du sujet à la dimension d'un manque radical. De tous les objets (a), remarque Lacan, il est le seul qui se présente "avec le signe moins".


"Qu’au niveau du (а), c’est parce que le  phallus, le phallus en tant qu’il est, dans la copulation, non pas seulement instrument du désir, mais instrument fonctionnant d’une certaine façon, à un certain niveau animal, c’est pour ceci que lui se présente en la fonction de (а) avec le signe moins... Le négatif qui marque dans le fonctionnement physiologique de la copulation chez l’être humain, se trouve promu au niveau du sujet sous la forme d’un manque irréductible."
LACAN, S.X, 13/03/1963

Enseignement, Désir, Collage, Manque, 1963

La question du désir de l'enseignant se pose légitimement - par analogie avec celle du désir de l'analyste -, car si elle ne se posait pas, il n'y aurait que des professeurs pour "enseigner sur les enseignements", c'est-à-dire pour tailler dans les corpus, les recopier plus ou moins habilement et les distribuer. Or justement il pourrait y avoir quelque analogie entre l'art d'enseigner et l'art du collage, pour peu que le praticien, dans les deux cas, n'oublie pas de transmettre le désir qui l'anime en suggérant le manque, qui peut ressortir, par exemple, dans la savante imperfection des raccords.


"Je me suis dit, qu’après tout, ce n’était pas non plus un mauvais biais pour introduire  le désir de l’analyste que de rappeler qu’il y а une question du désir de l’enseignant... En somme, qu'on puisse poser la question du désir de l'enseignant à quelqu'un, je dirais que c'est le signe, comme dirait M. de La Palisse, que la question existe. C'est aussi le signe qu'il y a un enseignement. Et ceci nous introduit, en fin de compte, à cette curieuse remarque: que là où on ne se pose pas la question, c'est qu'il y a le professeur. Le professeur existe chaque fois que la réponse à cette question est, si je puis dire, écrite, écrite sur son aspect ou sur son comportement, dans cette sorte de conditionnement que on peut situer au niveau, en somme, de ce qu'en analyse nous appelons le préconscient, c'est-à-dire de quelque chose qu'on peut sortir, d'où que ça vienne, des institutions ou même ce qu'on appelle de "ses penchants". Ce n'est pas, à ce niveau, inutile de s'apercevoir qu'alors, le professeur se définit comme celui qui enseigne sur les enseignements. Autrement dit, il découpe dans les enseignements. Si cette vérité était mieux connue - qu'il s'agit en somme au niveau du professeur, de quelque chose d'analogue au collage - si cette vérité était mieux connue, ça leur permettrait d'y mettre un art plus consommé, dont justement le collage, qui a pris son sens par l'œuvre d'art, nous montre la voie. C'est à savoir que s'ils faisaient leurs collages d'une façon moins soucieuse du raccord, moins tempérée, ils auraient quelque chance d'aboutir au même résultat à quoi vise le collage, d'évoquer proprement ce manque qui fait toute la valeur de l'œuvre figurative elle-même, quand elle est réussie bien entendu. C'est par cette voie donc, qu'ils arriveraient à rejoindre l'effet propre de ce qu'est justement un enseignement. Voilà !"
LACAN, S.X, 13/03/1963

Angoisse, Phallus, Orgasme, Objet a, 1963

Révélatrice était la première intuition de Freud (même si elle a pu faire sourire) concernant la relation entre angoisse et coïtus interruptus, car elle pointait une disjonction entre l'orgasme (souhaité en tous cas comme union simultanée de deux jouissances) et la fonction de l'instrument, qui justement se distingue en l'espèce par son retrait, sinon totalement sa mise hors service. Ainsi l'angoisse serait liée à la possible réduction du phallus au rang d'objet chu. Par ailleurs c'est à partir de la détumescence et du déclin de l'instrument devenant objet perdu que le sujet est introduit à la fonction de la castration.


"L’angoisse est promue par Freud dans sa fonction essentielle, là justement où l’accompagnement de la montée orgastique avec ce qu’on peut appeler « la mise en exercice de l’instrument », est justement disjointe. Le sujet peut en venir à l’éjaculation, mais c’est une éjaculation au dehors, et l’angoisse est justement provoquée par le fait qui est mis en valeur, par ceci que j’ai appelé tout à l’heure la mise hors de jeu de l’appareil, de l’instrument dans la jouissance. La subjectivité si vous voulez, est focalisée sur la chute du phallus. Cette chute du phallus, elle existe aussi bien dans l’orgasme accompli normalement, in situ. C’est justement là-dessus que mérite d’être retenue l’attention, pour mettre en valeur une des dimensions de la castration. Comment est vécue la copulation entre homme et femme ? C’est là ce qui permet à la fonction de la castration, à savoir au fait que le phallus est plus significatif dans le vécu humain par sa chute, par sa possibilité d’être objet chu, que par sa présence, c’est là ce qui désigne la possibilité de la place de la castration dans l’histoire du désir."
LACAN, S.X, 06/03/1963

Angoisse, Masochisme, Sadisme, Objet a, 1963

 La connivence de l'angoisse avec l'objet (a) se rencontre exemplairement dans la position du sujet masochiste, lequel se pose (et même s'expose) comme un tel objet déchet, entièrement soumis à la volonté de jouissance de l'Autre. D'où l'angoisse certes, mais il s'agit là d'un fantasme dissimulant, selon Lacan, la véritable visée qui est l'angoisse de l'Autre. Car après tout le scénario fantasmatique est là pour échouer. Ce qui est vraiment cherché dit Lacan "c’est chez l’Autre la réponse à cette chute essentielle du sujet dans sa misère dernière, et qui est l’angoisse". Chez le sadique, l'angoisse (de la victime, mais aussi du grand Témoin, Dieu) est plus évidente puisqu'elle vient même au premier plan du fantasme, même si la dimension instrumentale de son travail, de son action, tend à en dissimuler la finalité.


"Le masochiste - je vous l’ai dit l’autre jour, la dernière fois - quelle est sa position ? Qu’est-ce que masque, à lui, son fantasme ? D’être l’objet d’une jouissance de l’Autre qui est  sa propre volonté de jouissance... D’être l’objet d’une jouissance de l’Autre qui est  sa propre volonté de jouissance... Qu’est-ce que cette position d’objet masque, si ce n’est de rejoindre lui-même, de se poser dans la fonction de la loque humaine, de ce pauvre déchet  de corps séparé, qui nous est ici présenté ? Et c’est pourquoi je dis que la visée de la jouissance de l’Autre est une visée fantasmatique : ce qui est cherché c’est chez l’Autre la réponse à cette chute essentielle du sujet dans sa misère dernière, et qui est l’angoisse... Si cette angoisse qui est la visée aveugle du masochiste, car son fantasme la lui masque, elle n'en est pas moins, réellement, ce que nous pourrions appeler l'angoisse de Dieu. Est-ce que j'ai besoin de faire appel au mythe chrétien le plus fondamental pour donner corps à ce qu'ici j'avance, et si toute l'aventure chrétienne n'est pas engagée sur cette tentative centrale, inaugurale, incarnée par un homme dont toutes les paroles sont encore à réentendre, d'être celui qui a poussé les choses jusqu'au dernier terme d'une angoisse qui ne trouve son véritable cycle qu'au niveau de celui pour lequel est instauré le sacrifice, c'est-à-dire au niveau du Père."
LACAN, S.X, 06/03/1963

Sujet, Objet a, Angoisse, Réel, 1963

 "Dans A, combien de fois S ?" Telle est la première opération interrogative, en forme de division, que le sujet subit en tant qu'il se constitue au lieu de l'Autre sous les pures espèces du signifiant. C'est aussi manière de comprendre comment, de cette division, se déduit un reste indivisible, l'objet (a), représentant ici le réel irréductible du sujet (plus précisément ce qu'il en reste). C'est à lui que nous avons affaire dans l'angoisse, dans sa fonction première de reste, comme dans le désir, dans sa fonction de cause. L'angoisse opère donc comme le signal de cet irréductible réel, c'est pourquoi ce signal, comme le dit Lacan, est par excellence "celui qui ne trompe pas".


"Je vous ai déjà appris à situer le procès de la subjectivation pour autant que c’est :  –  au lieu de l’Autre et sous les espèces primaires du signifiant, que le sujet a à se constituer, –  au lieu de l’Autre et sur le donné de ce trésor du signifiant… Le sujet, à ce niveau, mythique, qui n’existe pas encore, qui n’existe que partant du signifiant qui lui est antérieur, qui est par rapport à lui constituant ...que le sujet fait cette première opération interrogative : « dans A - si vous voulez - combien de fois S ? »... Et l'opération étant supposée d'une certaine façon qui est ici le A marqué de cette interrogation [en A combien de fois S ?], ici apparaît - différence entre ce A réponse et le A donné [en A combien. .?] - quelque chose qui est le reste, l'irréductible du sujet, c'est (a), petit(a) est ce qui reste d'irréductible dans cette opération totale d'avènement du sujet au lieu de l'Autre, et c'est de là qu'il va prendre sa fonction. Le rapport de ce (a) à l'S, le (a) en tant qu'il est justement ce qui représente le S dans son réel irréductible, ce (a) sur S [a/Sl, c'est cela qui boucle l'opération de la division. Ce reste donc, en tant qu'il est la chute, si l'on peut dire, de l'opération subjective, ce reste où nous reconnaissons ici, structuralement si vous voulez, dans une analogie calcula-trice, l'objet perdu, c'est cela à quoi nous avons affaire, d'une part dans le désir, d'autre part dans l'angoisse."
LACAN, S.X, 06/03/1963


Loi, Réel, Angoisse, Signifiant, 1963

Cette obstination, patente dans l'évolution des doctrines morales, à asseoir la Loi sur l'autonomie du sujet, confine au mythe et en tout cas révèle un mécanisme de défense... contre l'hétéronomie radicale de la loi, justement, en tant qu'elle provient du réel... Ce réel qui, lorsqu'il intervient, détermine le refoulement, soit l'effacement de la trace originelle au moyen du signifiant. Le signifiant tente alors de faire Loi. Mais refoulement et retour du refoulé n'étant qu'un, c'est justement le retour du signifiant à l'état de trace, de trace du réel, qui pose problème, voire qui fait symptôme. Dans le cas de l'angoisse, le réel intervient à nouveau : rien d'autre que cette présence palpable du désir, en tant qu'identique à la Loi - sinon son approche ne causerait pas l'angoisse.


"J’insiste sur ceci : qu’elle [la Loi morale] provient de ce que j’appelle le réel. Ce que j’appelle le réel en tant qu’il intervient, qu’il intervient quand il intervient, essentiellement comme Freud nous le dit, à savoir en élidant le sujet, en déterminant, de par son intervention même, ce qu’on appelle le refoulement... Ce dont il s’agit est non pas l’effacement des traces mais le retour du signifiant à l’état de traces, l’abolition de ce passage de la trace au signifiant qui est constituée par ce que j’ai essayé de vous faire sentir, de vous décrire par une mise entre parenthèses de la trace, un soulignage, un barrage, une marque de la trace. C’est ça qui saute avec l’intervention du réel. Le réel renvoyant le sujet à la trace, abolit aussi le sujet du même coup, car il n’y а de sujet que par le signifiant."
LACAN, S.X, 27/02/1963

Désir, Loi, Perversion, Névrose, 1963

"Le désir, c'est la loi" (celle qui aboutit à l'interdiction de l'inceste), cela vaut également pour le pervers, qui loin d'être livré à une jouissance sans limite s'applique à la mise en oeuvre d'une Loi fonctionnant comme mécanisme de défense, justement pour l'en détourner. Disons qu'il s'applique, presque vertueusement, à la jouissance de l'Autre, au nom d'une volonté universelle de jouir (ayant force de Loi) qui ne peut que faillir en pratique. Cela vaut bien entendu pour le névrosé qui convoque une telle loi du désir pour mieux l'expériencer, soit sur le mode de insatisfaction (hystérique) soit sur celui de impossibilité (obsessionnel).


"Le désir donc, c’est la Loi. Ce n’est pas seulement que, dans la doctrine analytique, avec son corps central de l’Œdipisme, il est clair que ce qui fait la substance de la Loi, c’est ce désir pour la mère, qu’inversement ce qui normative le désir lui-même, ce qui le situe comme désir, c’est la loi dite « interdiction de l’inceste »."
LACAN, S.X, 27/02/1963

Angoisse, Désir, Cause, Analyse, 1963

L'angoisse signale au sujet - au niveau sensible du moi - la présence du désir de l'Autre. Le désir en tant que, détaché du besoin, il peut en vouloir à mon être, le mettre en question. Ce serait commode si, comme l'imagine Hegel, le désir avait pour seule logique de me reconnaître au-delà de l'objet ; mais non, il me remet en cause, m'interroge au niveau de mon propre désir, justement au niveau de sa cause. Il me projette dans cette dimension temporelle de la cause du désir, m'engageant certes dans l'épreuve de l'angoisse, mais possiblement aussi dans l'épreuve de l'analyse, puisqu'elle n'est pas sans angoisse, étant donné le rôle pivot du désir de l'analyste.


"C’est cela qui est l’angoisse : le désir de l’Autre ne me reconnaît pas comme le croit Hegel - ce qui rend la question bien facile, car s’il me reconnaît, comme il ne me reconnaîtra jamais suffisamment, je n’ai qu’à user de violence - donc, il ne me reconnaît ni ne me méconnaît..., il me met en cause, m’interroge à la racine même de mon désir à moi, comme (а), comme cause de ce désir et non comme objet. Et c’est parce que c’est là qu’il vise, dans un rapport d’antécédence, dans un rapport  temporel, que je ne puis rien faire pour rompre cette prise, sauf à m’y engager. C’est cette dimension temporelle qui est l’angoisse, et c’est cette dimension temporelle qui est celle de l’analyse. C’est parce que le désir de l’analyste suscite en moi cette dimension de l’attente que je suis pris dans ce quelque chose qui est l’efficace de l’analyse."
LACAN, S.X, 27/02/1963

Manque, Objet a, Symbolique, Réel, 1963

Si "l'angoisse n'est pas sans objet", comme y insiste Lacan, c'est de nous introduire à la fonction d'un manque radical. Bien qu'il affecte le réel le manque n'est saisissable que par le biais du symbolique, c'est toujours un symbole qui désigne une absence et qui tente d'y suppléer (par exemple la femme n'est "privée" du pénis qu'en tant que celui-ci est doté d'une valeur symbolique, et l'on parle alors du phallus - mais la privation, elle, est bien réelle). Un manque réel qui est de l'ordre de la perte comme l'énonce Lacan en ces termes : « Dès que ça se sait, que quelque chose vient au savoir du réel, il y a quelque chose de perdu, et la façon la plus certaine d’approcher ce quelque chose de perdu, c’est de le concevoir comme un morceau de corps. » Or cette pièce manquante - l'objet (a) pour Lacan - le symbolique n'y supplée pas vraiment, puisqu'elle est, comme telle, la contre-partie du symbolique : elle est donc irréductible.


"Le manque est radical, il est radical à la constitution même de la subjectivité telle qu’elle nous apparaît par la voie de l’expérience analytique. Ce que, si vous le voulez, j’aimerais énoncer en cette formule : « Dès que ça se sait, que quelque chose vient au savoir du réel, il y a quelque chose de perdu, et la façon la plus certaine d’approcher ce quelque chose de perdu, c’est de le concevoir comme un morceau de corps.»... D’où il résulte - autre vérité - que nous pourrions dire que tout le tournant de notre expérience repose sur ceci : que le rapport à l’Autre en tant qu’il est ce où se situe toute possibilité de symbolisation et de lieu du discours, rejoint un vice de structure, et qu’il nous faut - c’est le pas de plus - concevoir que nous touchons là, à ce qui rend possible ce rapport à l’Autre, c’est-à-dire ce d’où surgit qu’il y a du signifiant. Ce point d’où surgit qu’il y a du signifiant est celui, qui en un sens, ne saurait être signifié."
LACAN, S.X, 23/01/1963

Acting-out, Objet a, Autre, Symptôme, 1963

L'acting-out s'adresse à l'Autre, auquel le sujet montre quelque chose... d'autre. Dans le cas de la "jeune homosexuelle", Freud nous dit « Elle aurait voulu un enfant du père ». Et c'est bien ce foetus abandonné qu'elle devient - aux yeux de tous - en se jetant sur les rails : exhibant son désir ou ce qu'il en reste, sa cause même, l'objet (a) dans sa chute. L'acting-out s'offre à l'interprétation de l'Autre de façon beaucoup plus directe que le symptôme, il n'existe même que pour être interprété - comme une amorce de transfert sans analyse - là où le symptôme est autonome dans sa jouissance, bien qu'il ne puisse être interprété que sous transfert.


"Dans sa nature, le symptôme n’est pas, comme l’acting-out : appelant l’interprétation, car - on l’oublie trop - ce que nous découvrons dans le symptôme, ce que l’analyse y découvre, c’est : – que le symptôme - dans son essence - n’est pas appel, dis-je, à l’Autre, n’est pas ce qui montre à l’Autre, – que le symptôme dans sa nature est jouissance, ne l’oubliez pas, jouissance fourrée, sans doute, untergebliebene Befriedigung. Le symptôme n’a pas besoin de vous comme l’acting-out, il se suffit... À la différence du symptôme donc, l’acting-out, lui, eh bien c’est l’amorce du transfert, c’est le transfert sauvage. Ιl n’y a pas besoin d’analyse, vous vous en doutez, pour qu’il y ait transfert : – le transfert sans analyse, c’est l’acting-out, – l’acting-out sans analyse, c’est le transfert... Quand vous regardez les choses de près, la plupart du temps vous vous apercevez que le sujet sait fort bien que ce qu’il fait c’est pour s’offrir à votre interprétation dans l’acting-out. Seulement voilà, ça n’est pas le sens de ce que vous interpréterez, quel qu’il soit, qui compte, c’est le reste."
LACAN, S.X, 23/01/1963

Dépersonnalisation, Autre, Moi-idéal, Angoisse, 1963

"Dépersonnalisation", pour impropre qu'il soit, ce terme témoigne effectivement d'une expérience de dépossession telle que, dans la relation spéculaire, la relation à l'Autre assurant la reconnaissance de l'image comme moi idéal vient à faire défaut. "C'est parce que ce qui est vu dans le miroir est angoissant que cela n'est pas proposable à la reconnaissance de l'Autre" précise Lacan.


"Une autre relation s'établit dont il est trop captif pour que ce mouvement soit possible. Ici la relation duelle pure dépossède - ce sentiment de relation de dépossession marqué par les cliniciens dans la psychose - dépossède le sujet de cette relation au grand Autre. La spécularisation est étrange, « odd » comme disent les Anglais, impaire, hors symétrie : c'est le Horla de Maupassant, le hors-l'espace, en tant que l'espace c'est la dimension du superposable."
LACAN, S.X, 23/01/1963

Objet a, Autre, Reste, Sujet, 1963

L'objet (a) est nommé tel pour deux raisons : 1) par identité algébrique avec le grand Autre, étant ce qui "se constitue dans le rapport du sujet à l’Autre comme reste", 2) par identification régressive (ironiquement) à « ce qu’on n’a plus »...


"Il est essentiel de comprendre que c’est de cet Autre qu’il [l'objet a] prend son isolement, qu’il se constitue dans le rapport du sujet à l’Autre comme reste... Le sujet, tout en haut à droite, en tant que par notre dialectique, il prend son départ de la fonction du signifiant,      le sujet S, hypothétique, à l’origine de cette dialectique, se constitue au lieu de l’Autre comme marqué du signifiant, seul sujet où accède notre expérience. Inversement suspendant toute l’existence de l’Autre à une garantie qui manque : l’Autre barré. Mais de cette opération, il y a un reste, c’est le (a)... 

Ce (a) s’appelle (a) dans notre discours, non seulement pour la fonction d’identité algébrique que nous avons précisée l’autre jour, mais si je puis dire - humoristiquement - pour ce que c’est « ce qu’on n’a plus ». C’est pourquoi on peut le retrouver par voie régressive sous forme d’identification, c’est-à-dire à l’être ce (a), ce qu’on n’a plus..."
LACAN, S.X, 23/01/1963