Partons de ceci que le désir du sujet se constitue fondamentalement au niveau de l'Autre et de son désir ; que cela implique le sujet en tant que probable instrument ou même objet de ce désir ; que de ce désir de l'Autre le sujet a priori ne sait rien : comment la rencontre factuelle, quoique confuse, avec celui-ci ne serait-elle pas source d'angoisse ? D'où la formule de Lacan : "l’angoisse c’est la sensation du désir de l’Autre" ; d'où également l'idée que l'angoisse serait une peur sans objet... à ceci près que l'objet inconnu est ici le sujet : que suis-je en tant qu'objet pour l'Autre ? Bien sûr le désir de l'Autre ne se rencontre que par le biais de la demande, comme ce X justement angoissant entre demande et désir, un X qui trouve cependant toujours à se symboliser - voire à s'instumentaliser - en tant que Phallus. Comme le dit Lacan, c'est toujours la "loi de papa", et l'on comprend mieux pourquoi l'"angoisse de castration" demeure en la matière un standard, de façon d'ailleurs asymétrique et fort inégalitaire entre l'homme et la femme. Car la femme n'a pas besoin d'aller beaucoup plus loin que le "penisneid" initial pour s'apercevoir que "ce n'est pas ça", dépasser le complexe de castration et traverser de façon satisfaisante l'Oedipe pour trouver le chemin de son désir. Tandis que l'homme doit assumer pour lui-même que la "livre de chair" dont il est affublée, "ce n'est pas ça" et en tout cas "ça ne marche pas comme ça", en tant qu'être civilisé il doit s'introduire dans le champ du désir plus indirectement, par le biais de la demande et de la symbolisation (avec le risque de confusion demande/désir où s'empêtre typiquement le névrosé, lequel n'en a donc jamais fini avec l'angoisse de castration).
"La fonction phallique, ça n'a absolument pas d'autre sens que d'être ce qui donne la mesure de ce champ à définir, à l'intérieur de la demande, comme le champ du désir... Je ne connais pas le désir de l’Autre : angoisse ! Mais j’en connais l’instrument : le phallus, et qui que je sois, homme ou femme, je suis prié d’en passer par là et de ne pas faire d’histoire, ce qui s’appelle en langage courant : « continuer les principes de papa »... Ce qu’on appelle « la baraka » dans la tradition sémite, et même biblique à proprement parler : ce qui me fait le prolongement vivant, actif, de la loi du père, du père comme origine de tout ce qui va se transmettre comme désir...Disons-le grossièrement, le sujet demande le phallus et le phallus désire. C'est aussi bête que ça. C'est de là tout au moins qu'il faut partir comme formule radicale pour voir effectivement ce qui en effet dans l'expérience se modèle, se module autour de ce rapport du sujet au phallus en tant que, vous le voyez, il est essentiellement de nature identificatoire, et que s'il y a quelque chose qui effectivement peut provoquer ce surgissement d'angoisse lié à la crainte d'une perte, c'est le phallus. Pourquoi non pas le désir ? Il n'y a pas de crainte de l'aphanisis. Il y a la crainte de perdre le phallus, parce que seul le phallus peut donner son champ propre au désir."LACAN, S.IX, 04/04/1962