Dans le voyeurisme, le sujet n’est pas celui qui voit, mais celui qui tourne autour du regard comme objet manquant. En effet le regard, chez Lacan, n’est pas au niveau de l’œil, mais au niveau de l’Autre. L’Autre intervient en révélant le sujet comme regard lui-même, dans la honte d’être surpris.. Cet instant révèle que le regard est l’objet perdu : « Ce qu’on regarde, c’est ce qui ne peut pas se voir. » L’exhibitionniste, inversement, vise à faire apparaître ce regard chez l’autre : la pulsion se boucle. Cette réversion éclaire le sadomasochisme : la pulsion se retourne, le sujet devient son propre objet. Autrement dit la douleur n’est pas première : elle naît quand la boucle est close et que l’autre intervient. Ainsi, la pulsion, en s’accomplissant, transgresse le principe du plaisir et touche à la jouissance.
"Ce qui se passe dans le voyeurisme ? Au moment du voyeurisme, au moment de l’acte du voyeur : où est le sujet, où est l’objet ? Je vous l’ai dit, le sujet n’est pas là en tant qu’il s’agit de voir, de la pulsion de voir, mais en tant que le sujet est pervers. En tant qu’il est pervers il ne se situe qu’à l’aboutissement de la boucle, à savoir : quant à ce qu’il en est de l’objet... L’objet est ici regard, et regard qui est le sujet, qui l’atteint, qui fait mouche dans le tir à la cible... C'est que l'autre le surprend, lui, sujet, comme tout entier regard caché. Et vous saisissez là l'ambiguité de ce dont il s'agit quand nous parlons de la pulsion scopique: le regard est cet objet perdu et soudain retrouvé, dans la conflagration de la honte, par l'introduction de l'autre. Jusque-là, qu'est-ce que le sujet cherche à voir ? Ce qu'il cherche à voir - sachez-le bien - c'est l'objet en tant qu'absence. Ce que le voyeur cherche et trouve, ce n'est qu'une ombre, une ombre derrière le rideau. Il y fantasmera n'importe quelle magie de présence, la plus gracieuse des jeunes filles, même si de l'autre côté il n'y a qu'un athlète poilu. Ce qu'il cherche, ce n'est pas - comme on le dit - le phallus, mais justement son absence, d'où la prééminence, précisément, de certaines formes, comme objet de sa recherche. Ce qu'on regarde, c'est ce qui ne peut pas se voir."LACAN, S.XI, 13/05/1964
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