Pulsion, Sexualité, Manque, Objet a, 1964

Lacan reprend le principe économique de Freud : les pulsions sont liées à des tensions internes que le psychisme cherche à réguler. Ce que Freud appelle le Real-Ich (le « moi réel ») correspond au système nerveux, non pas dans sa fonction de relation au monde, mais comme système homéostatique, cherchant à maintenir un équilibre interne des excitations. C’est à partir de cette base biologique (le système homéostatique) que la sexualité s’introduit dans la vie psychique sous une forme détournée, morcelée, à savoir : les pulsions partielles. Ces pulsions sont partielles au regard de la finalité biologique (la reproduction). Elles se constituent à partir des zones érogènes et participent à la vie psychique selon une structure de manque (« béance » de l’inconscient). En effet que vise la pulsion, quelle satisfaction ? Freud montrait déjà que la pulsion a un parcours : elle part d’une source (zone érogène), vise un objet, et revient à la source dans une satisfaction de retour. En réalité il faut distinguer trois temps : d'abord la poussée (Drang) – la force propre de la pulsion, puis le retour – la boucle qui ramène la pulsion vers sa source, et enfin l’apparition d’un nouveau sujet : ce n’est qu’à la fermeture de la boucle, dans le rapport à l’autre, qu’un sujet apparaît. Lacan joue ici sur la distinction anglaise entre : Aim, le trajet, le parcours même de la pulsion, et Goal, le but final, la visée d’un résultat. Le but de la pulsion n’est pas le « goal » (la satisfaction biologique, la reproduction), mais le retour même — la boucle qui se referme. Ainsi, la pulsion trouve sa satisfaction dans son parcours, pas dans un objet final. Il y a bien un objet : c'est le manque. La pulsion tourne autour d’un vide, d’un objet manquant, que Lacan appelle l’objet petit a. Cet objet n’est pas l’origine de la pulsion, mais ce autour de quoi elle tourne. Il représente le manque structural, ce qui ne peut jamais être pleinement satisfait. Exemple : dans la pulsion orale, aucune nourriture ne comble vraiment le manque, car l’objet de la pulsion orale n’est pas la nourriture, mais le vide qu’elle contourne.


"Cette sexualité, pour s’être imposée si tôt, je dirai presque trop tôt, nous a fait passer trop vite sur l’examen de ce qu’elle représente en son essence. C’est à savoir : – qu’au regard de l’instance de  la sexualité tous les sujets sont à égalité, depuis l’enfant jusqu’à l’adulte, – qu’ils n’ont affaire qu’à ce qui, de la sexualité, passe dans les réseaux de la constitution subjective, dans les réseaux du signifiant, – que la sexualité ne se réalise que par l’opération des pulsions en tant qu’elles sont  pulsions partielles, partielles au regard de la finalité biologique de la sexualité."
LACAN, S.XI, 13/05/1964

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