La Cause est un concept remarquablement indéfini : soit on le confond avec celui de détermination, avec la loi, soit on l'utilise à bon escient pour décrire l'existence d'une faille, d'une béance, d'une "clocherie" dans le réel. Or c'est bien dans cette fente, ce trou caractéristique de la cause que se situe l'inconscient freudien, à mi-chemin du réel et de l'irréel, dans un registre caractérisant le "non-né" ou le "non-advenu". La question étant de savoir, précisément, ce qui est en cause dans ce qui cloche, et notamment au niveau des trébuchements du langage (rêves, lapsus, etc.) auxquels Freud rapporte explicitement l'inconscient. Les psychanalystes post-freudiens se sont empressés de suturer la question par des déterminations pseudo-psychologiques, quand ils n'ont pas tenté, à tort, d'y réintroduire le mystère (romantique) de l'immémorial (Jung).
"Essentiellement reste dans la fonction de la cause, une certaine béance... Elle se distingue de ce qu’il y a de déterminant dans une chaîne, autrement dit de la loi. Pour l’exemplifier, je dirais : pensez à ce qui s’image dans la fonction de l’action et de la réaction. Il n’y a, si vous voulez, qu’un seul tenant : l’un ne va pas sans l’autre. Un corps qui s’écrase au sol, sa masse n’est pas la cause de ce qu’il reçoit en retour de sa force vive. Sa masse est intégrée à cette force qui lui revient pour dissoudre sa cohérence par un effet de retour. Ici pas de béance, si ce n’est à la fin.Chaque fois que nous parlons de cause, il y a toujours, dans ce terme, quelque chose d’anti-conceptuel, d’indéfini. – « Les phases de la lune sont la cause des marées » : ça c’est vivant, nous savons à ce moment-là que le mot « cause » est bien employé. – « Les miasmes sont la cause de la fièvre » : ça ne veut rien dire. Là, en somme, il y a un trou et quelque chose qui vient osciller dans l’intervalle. Il n’y a de cause que de ce qui cloche. Entre la cause et ce qu’elle affecte, il y a toujours la clocherie... Eh bien l’inconscient freudien, c’est à ce point - que j’essaie de vous faire viser par approximation - qu’il se situe."LACAN, S.XI, 15/01/1964
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