Cause, Objet a, Connaissance, Angoisse, 1963

La cause surgit toujours en corrélation avec l’omission, dans la connaissance, du désir qui la fonde. Classiquement la connaissance se donne des justifications essentialistes, que l'on retrouve jusque dans la certitude cartésienne. Or il n'y a pas de désir de connaître porté par un sujet transcendantal, qui le satisferait plus ou moins ; il y a seulement, par la nécessité structurale du sujet pris dans le signifiant, une fonction de connaissance déjà impliquée dans le fantasme où l'objet prend sa fonction de support pour le désir, et plus précisément de cause. La justification essentialiste ne convainc pas, sinon pourquoi le philosophe éprouverait-il le besoin d'y revenir sans cesse ? Cette certitude n'est que l'ombre d'une autre bien plus probante, et plus éprouvante, qui est celle de l'angoisse survenant à l'approche de l'objet, à définir comme "ce qui ne trompe pas". Cet objet qui est structurant dans le fantasme fondamental du sujet, comme cause de son désir et, à un autre niveau, source de son angoisse, la connaissance ne peut pas l'ignorer complètement ; c'est pourquoi « il у а déjà connaissance dans le fantasme » dit Lacan. Ce qui signifie également que le corps est impliqué dans la connaissance - au point de justifier une sérieuse "mise en cause", proprement, de cette fonction ! -, non pas comme ce corps global participant de la visée intentionnelle du sujet comme tente de le décrire la phénoménologie, mais plus radicalement parce que nul sujet ne parle (et la connaissance suppose la parole) sans qu'une "livre de chair" (comme il est écrit dans Le Marchand de Venise) ne soit prélevée, sacrifiée, amputant justement à jamais le corps global.


"Ce dont il s’agit n’est pas d’un sentiment qui requiert sa satisfaction, ce dont il s’agit est d’une nécessité  structurale : le rapport du sujet au signifiant nécessite la structuration du désir dans le fantasme, le fonctionnement du fantasme implique une syncope temporellement définissable de la fonction du (а), qui forcément, à telle phase du fonctionnement fantasmatique, s’efface et  disparaît. Cette aphanisis du (а), cette disparition de l’objet en tant qu’il structure un certain niveau du fantasme, c’est cela dont nous avons le reflet dans la fonction de la cause... Un objet caché est au ressort de cette foi, faite au premier moteur d’Aristote dont je vous le dépeignais tout à l’heure sourd et aveugle à ce qui le cause...
Qu’est-ce que ceci implique ? Assurément, une mise en cause plus radicale qu’elle n’a jamais été, dans notre philosophie occidentale, articulée : la mise en cause comme telle de la fonction de la connaissance... Chez nous, elle ne peut commencer à être faite de la façon la plus radicale que si nous nous apercevons de ce que veut dire cette formule : « qu’il у а déjà connaissance dans le fantasme ». Et quelle est la nature de cette connaissance qu’il у а déjà dans le fantasme ? Ce n’est rien d’autre que ceci que je répète à l’instant : l’homme qui parle, le sujet dès qu’il parle, est déjà dans son corps, par cette parole, impliqué. La racine de la connaissance, c’est cet engagement de son corps."
LACAN, S.X, 08/05/1963

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