Cause, Objet a, Corps, Phallus, 1963, KANT

La notion d’« objectalité » est antérieure et sous-jacente à celle d'« objectivité ». Elle n'est pas le corrélat d'une subjectivité transcendantale, mais plutôt le corrélat d’un "pathos de coupure", précise Lacan, en ce point où le formalisme logique, au sens kantien, rejoint un effet méconnu déjà présent dans la Critique de la raison pure, à savoir que le formalisme reste pétri de causalité, suspendu à une justification qu’aucun a priori ne peut réduire. La fonction de la cause demeure partout irréductible et insaisissable dans le champ de la critique. Une partie perdue de nous-même, coincée dans la machine formelle, constitue le support authentique de toute fonction de la cause. Cet objet perdu, cause du désir, voire par métaphore cet objet de désir que nous "sommes" pour l'autre, reste un morceau charnel quand bien même les mots prétendent viser quelque chose de plus spirituel. (Notons que si toutes les parties du corps trouvent place dans ces usages métaphoriques, l’organe sexuel masculin en est curieusement absent : ce qui connote directement le phallus y est marqué du signe -.)


"Le morceau charnel comme tel, à nous-mêmes arraché, c’est ce morceau en tant que c’est lui qui circule dans le formalisme logique tel qu’il se dégage par notre travail de l’usage du signifiant, c’est cette part de nous-même prise dans la machine, à jamais irrécupérable, cet objet comme perdu aux différents niveaux de l’expérience corporelle où se produit sa coupure, c’est lui qui est le support, le substrat authentique de toute fonction comme telle de la cause... Cette part de nous-mêmes, cette part corporelle est donc essentiellement et par fonction, partielle. Bien sûr, il convient de rappeler qu’elle est corps : que nous ne sommes objectaux - ce qui veut dire objet du désir - que comme corps. Point essentiel à rappeler, puisque c’est l’un des champs créateurs de la dénégation que de faire appel à quelque chose d’autre, à quelque substitut. C’est ce qui pourtant reste toujours et au dernier terme, désir du corps, désir du corps de l’autre, et rien que désir de son corps."
LACAN, S.X, 08/05/1963

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