Objet a, Fétiche, Sadisme, Masochisme, 1963

Rien n'illustre mieux la fonction de "cause du désir" que l'objet fétiche, lequel n'est pas directement ce que le sujet convoite, mais ce qui soutient son désir, en arrière-plan, venant s'accrocher sur telle ou telle cible. Quant au sujet sadique, c'est bien depuis cette position en (a), structurale, inconsciente, qu'il est à même de causer chez sa victime - au-delà même de la souffrance - cette sorte de dissociation, de béance qui s'éprouve subjectivement dans la sensation d'angoisse, et c'est naturellement pour cette raison même qu'il ne sait pas lui-même ce qu'il cherche... Quoi donc ? Essentiellement se réaliser lui-même comme pur objet pour la jouissance supposée de l'Autre. A contrario, ce but illusoire semble bien conscient chez le sujet masochiste, à ceci près que l'objet vil et dérisoire auquel il s'identifie volontiers, ne fait que jouer sur une scène la place du (a), sans l'incarner réellement. Dans les deux cas, le sujet pervers - sadique ou masochiste - qui se veut "lui-même" objet de son désir, identifié à l'objet, est fondamentalement masochiste.


"Le désir sadique n’est formulable que pour cette schize, cette dissociation, qu’il vise essentiellement à introduire chez l’autre, en lui imposant jusqu’à une certaine limite, ce qui ne saurait être toléré : à la limite exactement suffisante où se manifeste, apparait chez l’autre, cette division, cette béance qu’il y a de son existence de sujet à ceci qu’il subit : qu’il peut pâtir dans son corps. Et c’est tellement de cette distinction, de cette division, de cette béance comme essentielle qu’il s’agit, et qu’il s’agit d’interroger, qu’en fait ce n’est pas tellement la souffrance de l’autre qui est cherchée dans l’intention sadique, que son angoisse... L’angoisse de l’autre, son existence essentielle comme sujet par rapport à cette angoisse, voilà ce que le désir sadique s’entend à faire vibrer... Ce qui caractérise le désir sadique est proprement qu’il ne sait pas que dans l’accomplissement de son acte, de son rite..., c’est ce qu’il cherche. Et que ce qu’il cherche c’est à proprement parler à se réaliser, à se faire apparaître lui-même - à qui ? puisqu’en tout cas à lui-même cette révélation ne saurait rester qu’obtuse - à se faire apparaître lui-même comme pur objet, fétiche noir."
LACAN, S.X, 09/01/1963

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