Trait unaire, Nom, Cogito, Pensée, 1962, DESCARTES

Comme principale manifestation du trait unaire, le nom propre est impliqué inconsciemment à l'origine de chaque acte énonciatif. Un signifié, emprunté au "monde commun" du préconscient émerge comme produit de l'articulation signifiante, avant de se réfléchir à la surface de la conscience. Avec le cogito cartésien, il est manifeste que quelque chose se nomme inconsciemment au niveau de l'énonciation insensée du "je pense", laquelle produit le signifié du "je suis" et finit par s'y arrêter comme sur un résultat fiable (car il impossible de se maintenir indéfiniment sur la crête du "je pense", fût-il décuplé et répété en boucle), une amarrage qu'il faut bien aller chercher à l'extérieur, au niveau du préconscient, "mais dans l'identification qui est celle qui se fait au trait unaire" précise Lacan, soit ici au niveau de la pure différence du "je pense", émerge quelque chose qui finalement s'articule entre être et pensée : cogito ergo sum


"En tant que le sujet parle, il ne peut faire que de s'avancer toujours plus avant dans la chaîne, dans le déroulement des énoncés, mais que, se dirigeant vers les énoncés, de ce fait même, dans l'énonciation il élide quelque chose qui est à proprement parler ce qu'il ne peut savoir, à savoir : le nom de ce qu'il est en tant que sujet de l'énonciation. Dans l'acte de l'énonciation il y a cette nomination latente qui est concevable comme étant le premier noyau, comme signifiant, de ce qui ensuite va s'organiser comme chaîne tournante telle que je vous l'ai représentée depuis tou-jours, de ce centre, ce cœur parlant du sujet que nous appelons l'inconscient... C’est pour autant - et pour la moindre de ses paroles - que le sujet parle, qu’il ne peut faire que de toujours une fois de plus se nommer sans le savoir, et sans savoir de quel nom."
LACAN, S.IX, 10/01/1962

"La recherche du sujet telle qu'elle existe dans Descartes est strictement différent de tout ce qui a pu se faire à aucun autre moment de la réflexion philosophique, pour autant que c'est bien le sujet qui lui-même est interrogé, qui cherche à l'être comme tel ; le sujet en tant qu'il y va de toute la vérité à son propos, que ce qui y est interrogé c'est non pas le réel et l'apparence, le rapport de ce qui existe et de ce qui n'existe pas, de ce qui demeure et de ce qui fuit, mais de savoir si on peut se fier à l'Autre, si comme tel ce que le sujet reçoit de l'extérieur est un signe fiable...
C'est-à-dire que c'est en tant que ce « Je pense » impossible passe à quelque chose qui est de l'ordre du préconscient, qu'il implique comme signifié - et non pas comme conséquence, comme détermination ontologique - qu'il implique comme signifié que ce « Je pense » renvoie à un « ... je suis » qui désormais n'est plus que le « X » de ce sujet que nous cherchons, à savoir de ce qu'il y a au départ pour que puisse se produire l'identification de ce « Je pense »...
Si nous voyons que quelque chose dans l'appréhension cartésienne, qui se termine sûrement dans son énonciation à des niveaux différents, puisque aussi bien il y a quelque chose qui ne peut pas aller plus loin que ce qui est inscrit ici, et il faut bien qu'il fasse intervenir quelque chose qui vient, non pas de la pure élaboration, sur quoi puis-je me fonder, qu'est-ce qui est fiable? Il va bien être amené comme tout le monde à essayer de se débrouiller avec ce qui se vit à l'extérieur, mais dans l'identification qui est celle qui se fait au trait unaire, est-ce qu'il n'y en a pas assez pour supporter ce point impensable et impossible du « Je pense» au moins sous sa forme de différence radicale ? Si c'est par « 1 » que nous le figurons ce « Je pense», je vous le répète: en tant qu'il ne nous intéresse que pour autant qu'il a rapport avec ce qui se passe à l'origine de la nomination, en tant que c'est ce qui intéresse la naissance du sujet : le sujet est ce qui se nomme. Si nommer c'est d'abord quelque chose qui a affaire avec une lecture du trait «1 » désignant la différence absolue, nous pouvons nous demander comment chiffrer la sorte de « je suis » qui ici se constitue, en quelque sorte rétroactivement, simplement de la re-projection de ce qui se constitue comme signifié du « Je pense », à savoir la même chose, l'inconnu [X] de ce qui est à l'origine sous la forme du sujet... Il est aussi bien vrai qu’il « n’est pas », puisque ici il « n’est » qu’à « penser à penser », est pourtant corrélatif,  indispensable - et c’est bien ce qui fait la force de l’argument cartésien - de toute appréhension  d’une pensée dès lors qu’elle s’enchaîne, cette voie lui est ouverte vers un cogitatum de quelque chose qui s’articule : cogito ergo sum. 
LACAN, S.IX, 10/01/1962

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