Le deuil consiste à authentifier, et finalement accepter, la perte d'un objet d'amour en évoquant chacun de ses traits idéaux, ayant valeur métaphorique, même s'ils répondent chez le sujet à quelques privilèges narcissiques. Le mélancolique, lui, ne parvient pas à cerner l'être de l'objet, pour autant qu'il en faisait un objet de désir, toujours effacé derrière ses attributs : ceux-là ne peuvent que s'enchaîner et s'épuiser métonymiquement, mettant en défaut la pulsion de vie elle-même, a fortiori le sens de la vie. Le sujet s'en prend alors au symbolique lui-même (non à son image narcissique directement) ; c'est à son être qu'il attente à travers ses auto-accusations répétées ("je ne suis rien que"), comme s'il était possible de faire le deuil de soi-même !
"Qu’est-ce qui différencie le deuil de la mélancolie ? Pour le deuil, il est tout à fait certain que c’est autour de la fonction métaphorique des traits conférés à l’objet de l’amour, en tant qu’ils ont alors des privilèges narcissiques, que va rouler toute la longueur et la difficulté du deuil. En d’autres termes, et d’une façon d’autant plus significative qu’il le dit presque en s’en étonnant, FREUD insiste bien sur ce dont il s’agit : le deuil consiste à authentifier la perte réelle, pièce à pièce, morceau à morceau, signe à signe, élément grand I à élément grand I, jusqu'à épuisement. Quand cela est fait: fini ! Mais qu'est-ce à dire si cet objet était un petit(a), un objet de désir, sinon que l'objet est toujours masqué derrière ses attributs : banalité presque. Mais l'affaire commence, comme de bien entendu, seulement à partir du pathologique, c'est-à-dire de la mélancolie où nous voyons deux choses : c'est que l'objet est - chose curieuse - beaucoup moins saisissable pour être certainement présent et pour déclencher des effets infiniment plus catastrophiques, puisqu'ils vont jusqu'au tarissement de ce Trieb que FREUD appelle le Trieb le plus fondamental, celui qui vous attache à la vie."LACAN, S.VIII, 28/06/1961
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