Angoisse, Analyste, Désir, Analysant, 1961, SOCRATE

L'angoisse ne se forme pas dans la seule intériorité du sujet, comme tout ce qui concerne le moi elle emprunte le circuit des relations imaginaires avec les alter ego. C'est peu dire que l'angoisse est communicative, notamment chez le névrosé que Lacan qualifie à ce sujet de "vase communicant". Le danger est que l'analyste devienne pareil vecteur de l'angoisse du patient, ce qui se produira s'il transige avec son propre désir... d'analyste. Quel désir ? On parle ici d'une place pure, celle du sujet désirant que doit incarner l'analyste sans qu'il ait précisément à faire montre de son propre désir, donc sans communiquer au patient, fatalement, l'angoisse qui l'accompagne (car oui le désir est angoissant, déstabilisant, dangereux). Pour tenir cette place, l'analyste reste non seulement muet quant à son propre désir (sinon il rétrocèderait du désir à la demande) mais il doit encore, à l'enseigne de Socrate, s'abstenir d'apparaître en quelque façon, quant à sa personne propre, comme une chose désirable. Il apparaît donc que, du point de vue de l'analyste, mais aussi au bénéfice du patient, "le désir est un remède à l’angoisse" - là où l'angoisse se montre, inversement et à peine paradoxalement, "dans un rapport de soutien au désir là où l’objet manque" dit Lacan.


"Ce qu’il s’agit de savoir, c’est dans quel statut actuel vous devez être, vous, quant à votre désir, pour que ne surgisse pas de vous, dans l’analyse, non seulement le signal mais aussi l’énergie de l’angoisse, pour autant qu’elle est là - si elle surgit - toute faite pour se reverser dans l’économie de votre sujet... Regardons-le se profiler ce quelque chose dont je vous ai déjà donné l’indication en vous disant que la place pure de l’analyste, autant que nous pourrons la définir  dans et  par le fantasme, serait la place du désirant - ἐραστής [erastès] ou ἔρόν [erôn] - pur, ce qui voudrait dire ce quelque part où se produit toujours la fonction du désir, à savoir de venir à la place de l’ἐρώμενος [erômenos] ou de l’ἐρώμενον [erômenon], car c’est pour cela que je vous ai fait, au début de l’année, parcourir ce long déchiffrage du Banquet, de la théorie de l’amour. Il faudrait arriver à concevoir que quelque sujet puisse tenir la place du pur désirant, s’abstraire, s’escamoter lui-même dans le rapport à l’autre d’aucune supposition d’être désirable."
LACAN, S.VIII, 14/06/1961

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