La versagung ne doit pas être interprétée comme une simple frustration, la possibilité d'un écart par rapport à une situation supposée normale, mais plutôt comme une défaillance originelle, voire existentielle, de l'ordre du refus et du renoncement. La bifurcation vers la névrose, ou la psychose, etc., intervient après cette disposition qui ne dit rien d'autre (c'est la possibilité même du dire, sagen), étant donné le signifiant, que la possibilité pour le sujet parlant de se refuser.
« Pour dire les choses massivement et d’une façon qui me permet de repérer à sa racine ce dont il s’agit ici : à l’origine de toute névrose, comme Freud le dit dès ses premiers écrits, il y a non pas ce qu’on a interprété depuis comme une frustration, quelque chose comme ça, un arriéré laissé ouvert dans l’informe, mais une Versagung, c’est-à-dire quelque chose qui est beaucoup plus près du refus que de la frustration, qui est autant interne qu’externe, qui est vraiment mis par Freud en une position - connotons-la de ce terme, qui a tout au moins des résonances vulgarisées par notre langage contemporain - dans une position « existentielle ». Cette position ne met pas la normale, la possibilité de la Versagung [dénégation], puis la névrose, mais une Versagung originelle au-delà de quoi il y aura la voie, la bifurcation, soit de la névrose, soit de la normale, l’une ne valant ni plus ni moins que l’autre par rapport à ce départ de la possibilité de la Versagung. Et ce que le terme de « sagen » [dire] impliquait dans cette Versagung intraduisible saute aux yeux, ce n’est possible que dans le registre du « sagen » , je veux dire : en tant que le « sagen » n’est pas simplement l’opération de la communication mais le « dire », mais l’émergence comme telle du signifiant en tant qu’il permet au sujet de se refuser. »LACAN, S.VIII, 24/05/1961
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