Analyste, Désir, Sujet, Autre, 1961

Le désir est aliéné au langage, c'est par là qu'il prend sens comme désir de l'Autre : pas seulement au génitif objectif (que désire-t-il cet autre ?) mais aussi au génitif subjectif : qui est ce sujet qui désire, autrement dit quel est le signifiant, évidemment inconscient, qui le représente ? C'est bien ce que doit représenter l'analyste pour l'analysant, non pas l'objet mais le signifiant du désir (Φ), et plus précisément cette place vide où il doit émerger. Par sa présence paradoxale et muette, l'analyste incarne ce manque à être qu'est le sujet en tant que barré, défaillant, là où il ne reste que « Ça ». Mais en tant qu'évanoui, le sujet s'articule quand-même à l'objet dans la structure du fantasme, l'objet étant lui-même la figure dégradée, dans l'imaginaire, du grand Autre ; l'analyste n'est donc pas tant supposé savoir, que supposé voir et faire voir, de cette place de sujet, l'objet du désir de l'Autre.


"C’est à la fois bien moins, mais aussi bien plus, de penser qu’il faut que nous tenions cette  place vide où est appelé ce signifiant, qui ne peut être qu’à annuler tous les  autres, ce Φ dont j’essaie pour vous, de montrer la position, la condition centrale dans notre expérience. Dans notre fonction, notre force, notre pouvoir, est certain, et toutes ses difficultés se résument à ceci : il faut savoir remplir sa place en tant que le sujet doit pouvoir y repérer le signifiant manquant. Et donc par une antinomie, par un paradoxe qui est celui de notre fonction, c’est à la place même où nous sommes « supposés savoir » que nous sommes appelés à être et à n’être rien de plus, rien d’autre, que la « présence réelle » et justement en tant qu’elle est inconsciente.
Au dernier terme - je dis «  au dernier terme » bien sûr, à l’horizon de ce qu’est notre fonction dans l’analyse - nous sommes là en tant que « Ça », « Ça » justement qui se tait et qui se tait  en ce qu’il manque à être. Nous sommes au dernier terme, dans notre présence, notre propre sujet au point où il s’évanouit, où il est barré. C’est pour cela que nous pouvons remplir la même place où le patient comme sujet lui-même s’efface, se subordonne, et se subordonne à tous les signifiants de sa propre demande...
Il s’agit de savoir si - pour que dans le transfert nous entrions nous-mêmes pour le sujet passif dans ce fantasme au niveau de S - cela suppose : – que d’une certaine façon nous  soyons vraiment cet S, –  que nous soyons au dernier terme celui qui voit petit(a), l’objet du fantasme, – que nous soyons capables dans quelque expérience que ce soit, et l’expérience à nous-mêmes  la plus étrangère, d’être en fin de compte ce « voyant », celui qui peut voir l’objet du désir de l’Autre, à quelque distance que cet Autre soit de lui-même."
LACAN, S.VIII, 03/05/1961

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