"Pour nous, pour ce discours de la communauté, ce discours du bien général, nous avons affaire aux effets d’un discours de la science, où se montre, pour la première fois dévoilée, une question qui est proprement la nôtre. C’est à savoir ce que veut dire ce qui s’y manifeste de la puissance du signifiant comme tel... Du développement soudain prestigieux de cette puissance du signifiant, de cet ordre, un discours surgit des petites lettres des mathématiques : – discours qui se soutient, – discours qui se différencie de tous les discours tenus jusqu’alors, – discours qui, par rapport à nous, devient en quelque sorte une aliénation supplémentaire. En quoi ? En ceci, c’est que le discours issu des mathématiques est un discours qui - par structure, par définition - n’oublie rien. À la différence du discours de cette mémorisation première, celle qui se poursuit au fond de nous, à notre insu, du discours mémorial de l’inconscient, dont le centre est absent, dont la place et l’organisation sont situées par le « il ne savait pas », qui est proprement le signe de cette omission fondamentale où le sujet vient se situer...
Quand seulement une petite chaîne signifiante commence à fonctionner sur ce principe, il semble bien que les choses se poursuivent tout comme si elles fonctionnaient toutes seules, puisque aussi bien là nous en sommes à ceci : c’est à pouvoir nous demander si ce discours de la physique, ce discours engendré par la toute-puissance du signifiant - ce discours de la physique va confiner à l’intégration de la Nature ou à sa désintégration.... Tel est ce qui pour nous, complique et singulièrement - encore que sans doute ce ne soit qu’une de ses phases - le problème de notre désir. Disons que, pour celui qui vous parle, c’est là à proprement parler que se situe la révélation du caractère décisivement original de la place où se situe le désir humain comme tel, dans ce rapport de l’homme au signifiant, et dans le fait de savoir si, ce rapport, il doit ou non le détruire... C’est à savoir que c’est là que se tend la question du sens de la pulsion de mort. C’est très exactement en tant que cette pulsion est liée à l’histoire que se pose le problème. C’est une question « ici et maintenant », et non pas ici une question « ad aeternum ». C’est en fonction de cela que le mouvement du désir est en train de passer la ligne d’une sorte de dévoilement, que l’avènement de la notion freudienne de la pulsion de mort a son sens pour nous.
En disant ceci donc, nous ne savons rien, sinon qu’il y a la question et qu’elle se pose en ces termes, celle du rapport de l’être humain vivant avec le signifiant comme tel, avec le signifiant en tant qu’au niveau du signifiant peut être pour lui remise en question tout cycle possible de l’étant, y compris le mouvement de perte et le retour de la vie elle-même. Assurément, c’est bien là ce qui donne son sens, non moins tragique, à ce de quoi - nous analystes - nous nous trouvons être les porteurs." (S.VII, 18/05/1960)
Signifiant, Pulsion de mort, Science, Désir, 1960
C'est l'avènement du signifiant comme tel, en particulier dans l'écriture mathématique - soit une écriture qui n'oublie rien, une écriture sans inconscient et sans sujet -, et partant dans le discours de la science, qui donne toute la mesure énigmatique du désir humain : l'homme acquiert l'idée (voire la possibilité) d'une destruction de la totalité de l'étant. Cette question du rapport de l'homme et de son désir avec le signifiant comme tel est proprement historique, de l'ordre de l'actuel : il n'y a rien dans la nature qui soit, de près ou de loin, comparable à cette dimension de la pulsion de mort.
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