Négation, Enonciation, Parole, Inconscient

La particule négative "ne" (dans "je crains qu'il ne vienne" par exemple) introduit un flottement, une hésitation entre un voeux et son contraire, bien fait pour illustrer la différence - et même la discordance en l'occasion - entre énonciation et énoncé, puisque c'est seulement au niveau de la parole comme telle (énonciation) qu'elle rend sensible cette contradiction venue tout droit de l'inconscient (mais dans l'inconscient la particule n'existe pas, il n'y a que des négations "simples").

" Il faudrait, en réalité, étendre cette étude de la Verneinung, de la négation - comme j'ai déjà devant vous commencé d'amorcer de le faire - la prolonger par une étude de la particule négative, et se demander si ce n'est pas là que se trouve, dans cette particule, dans ce petit « ne » dont je vous ai montré, indiqué, appris dans la trace de Pichon, que dans la langue française il se montre dans un usage si subtilement différencié au niveau de ce « ne » discor-dantiel, dont je vous ai montré la place entre l'énonciation et l'énoncé, cette place qui le fait apparaître si paradoxalement dans les cas où, par exemple, le sujet énonce sa propre crainte : « Je crains - non pas comme la logique semble l'indiquer - qu'il vienne»: c'est bien là ce que le sujet veut dire, mais : « Je crains qu'il ne vienne », en français. Et ce « ne», si bien dit de cette façon, nous montre sa place flottante entre les deux niveaux dont je vous ai appris à distinguer, dont je vous ai appris à faire usage du graphe pour en retrouver la distinction, celui de l'énonciation du sujet pour autant que le sujet dit : « Je crains quelque chose, qu'en énonçant je fais surgir dans mon existence et, du même coup, dans son existence de vœu qu'il vienne ».
C'est là que s'introduit ce petit « ne » qui le distingue, qui montre la discordance de l'énonciation à l'énoncé, et qui montre la véritable fonction de la particule. La particule négative ne peut surgir, ne peut être, ne vient au jour qu'à partir du moment où je parle vraiment, et non pas au moment où je suis parlé, si je suis au niveau de l'inconscient.
C’est sans doute là ce que veut dire FREUD. Et je crois que c’est bon d’interpréter ainsi ce que dit FREUD quand il dit qu’il n’y a pas de négation au niveau de l’inconscient, car aussitôt après il nous montre que, bien sûr, il y en a une. C’est-à-dire que dans l’inconscient, il y a toutes sortes de façons de la représenter métaphoriquement. Il y a toutes sortes de façons, dans un rêve, de représenter la négation, sauf bien sûr la petite particule « ne », parce que la petite particule « ne » fait partie du discours. " (S.VII, 09/12/1959)

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