Douleur, Motricité, Architecture, Baroque

La douleur serait comme la manifestation d'une tension affectant l'être vivant privé de motricité. La pierre elle-même, pour autant qu'elle se trouve dressée, scellée, changée par notre oeuvre en monument architectural, n'est-elle pas comme une "douleur pétrifiée" ? De là, paradoxalement les formes dites "torturées" du style baroque, alors même qu'elles s'efforcent au plaisir et dans le même temps semblent s'y épuiser, tentent de libérer le mouvement et se tordent, se contrarient de n'y point parvenir entièrement.

" Peut-être nous devons concevoir la douleur comme quelque chose qui dans l’ordre d’existence, est peut-être comme un champ qui s’ouvre, précisément, à la limite où il n’y a pas la possibilité pour l’être de se mouvoir. Est-ce que quelque chose ne nous est pas là ouvert, dans je ne sais quelle aperception des poètes, dans le mythe de Daphné se changeant en arbre sous la pression à laquelle elle ne peut plus échapper, que quelque chose dans l’être vivant qui n’a pas la possibilité de se mouvoir, nous suggère jusque dans leur forme la présence de ce qu’on pourrait appeler « une douleur pétrifiée » ?
Est-ce qu’il n’y a pas dans ce que nous faisons nous-mêmes du règne de la pierre, pour autant que nous ne la laissons plus rouler, pour autant que nous la dressons, que nous en faisons ce quelque chose d’arrêté qui est une architecture, est-ce qu’il n’y a pas dans l’architecture elle-même quelque chose, pour nous, comme la présentification de la douleur?
Quelque chose irait dans ce sens. C’est ce qui se passe, à la limite, quand à un moment de l’histoire de l’architecture, celui du baroque... quelque chose est tenté pour faire de l’architecture elle-même, je ne sais quel effort vers le plaisir, pour lui donner je ne sais quelle libération, qui la fait en effet flamber dans ce qui pour nous apparaît comme un tel paradoxe dans toute l’histoire de la bâtisse et du bâtiment. Cet effort vers le plaisir, aussi bien qu’est-ce qu’il donne, si ce n’est ce que nous appelons - dans notre langage, ici, métaphorique, et qui va loin comme tel - des formes torturées. " (S.VII, 09/12/1959)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire