Entre l'homme et la femme, en tant qu'êtres sexués, il ne saurait y avoir de rencontre, sauf par l'intermédiaire de ce qui leur manque à tous les deux, à savoir le phallus. Or celui-ci ne se trouve jamais là où d'abord on l'attend, justement dans la relation génitale, où ce qui en tient lieu ne peut que s'avérer défaillant. "Voilà, dit Lacan, ce qui explique que l’angoisse est la vérité de la sexualité, c’est-à-dire ce qui apparaît chaque fois que son flux se retire, montre le sable. La castration est le prix de cette structure, elle se substitue à cette vérité." L'angoisse rend palpable, chez le sujet, l'impossible synthèse, disons même l'alternative du désir et de la jouissance. Du fait même de son manque, localement de son impuissance, le phallus se montre omniprésent et d'autant plus sous le signe de la puissance - voire de la toute-puissance - partout où il n'est pas en situation explicitement sexuelle, accréditant une "confusion de la jouissance avec les instruments de la puissance" remarque Lacan. Donc, ce support du désir qu'est le phallus n'est pas fait pour réaliser l'union sexuelle : chacun reste séparé de l'autre, du fait même que, par la médiation phallique, il lui est strictement substituable. L'homme, pour rencontrer l'autre, en l'occurrence la femme, doit renoncer au phallus ; ou bien, dans son désir de toute puissance, il peut assimiler sa partenaire au phallus, mais alors il doit renoncer à la femme. Quant à la femme, précise Lacan, "elle ne peut prendre le phallus que pour ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire : soit petit(a), l’objet, soit son trop petit ϕ à elle, qui ne lui donne qu’une jouissance approchée de ce qu’elle imagine de la jouissance de l’Autre."
"Que le phallus ne se trouve pas là où on l’attend, là où on l’exige, à savoir sur le plan de la médiation génitale, voilà ce qui explique que l’angoisse est la vérité de la sexualité, c’est-à-dire ce qui apparaît chaque fois que son flux se retire, montre le sable. La castration est le prix de cette structure, elle se substitue à cette vérité...Le phallus, là où il est attendu comme sexuel, n’apparaît jamais que comme manque, et c’est cela son lien avec l’angoisse. Et tout ceci veut dire que le phallus est appelé à fonctionner comme instrument de la puissance. Or la puissance, je veux dire ce dont il s’agit quand nous parlons de puissance, quand nous en parlons d’une façon qui vacille, de ce dont il s’agit car c’est toujours à la « toute-puissance » que nous nous référons, or ce n’est pas de cela qu’il s’agit : la toute-puissance est déjà le glissement, l’évasion, par rapport à ce point où toute puissance défaille. On ne demande pas à la puissance d’être partout, on lui demande d’être là où elle est présente. C’est justement parce que là où elle est attendue elle défaille, que nous commençons à fomenter la « toute-puissance ». Autrement dit le phallus est présent, il est présent partout où il n’est pas en situation. Car c’est la face qui nous permet de percer cette illusion de la revendication engendrée par la castration, en tant qu’elle couvre l’angoisse présentifiée par toute actualisation de la jouissance : c’est cette confusion de la jouissance avec les instruments de la puissance. L’impuissance humaine, avec le progrès des institutions, devient mieux que cet état de sa misère fondamentale, elle se constitue en profession, j’entends « profession » dans tous les sens du mot, depuis le sens « profession de foi » jusqu’au terme, à la visée, que nous trouvons dans « l’idéal professionnel ». Tout ce qui s’abrite derrière la dignité de toute « profession », c’est toujours ce manque central qui est impuissance. L’impuissance, si l’on peut dire, dans sa formule la plus générale, c’est celle qui voue l’homme à ne pouvoir jouir que de son rapport au support de +ϕ, c’est-à-dire d’une puissance trompeuse...Le support du désir n’est pas fait pour l’union sexuelle, car généralisé il ne me spécifie plus comme homme ou femme, mais comme l’un et l’autre. La fonction de ce champ ici décrit comme celui de l’union sexuelle pose, pour chacun des deux sexes, l’alternative : l’autre est ou l’Autre ou le phallus, au sens de l’exclusion. Ce champ-là est vide [- ϕ]. Mais ce champ-là [- ϕ] si je le positive, le « ou » prend cet autre sens qui veut dire que l’un à l’autre est substituable à tout instant."LACAN, S.X, 05/05/1963
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