L'obsessionnel, selon Lacan, cherche à retrouver, au-delà de la trace mais en deçà du signifiant que représente l'effacement de la trace, la présence d'un signe. Quelle perte cherche-il à conjurer derrière l'obsolescence du signe, sinon celle de l'objet convoité que la présence de l'Autre a rendu inatteignable ? D'où la nécessité d'effacer la trace, justement pour faire croire qu'elle est fausse, effacement où Lacan voit la naissance du signifiant - mais aussi la naissance du sujet en tant qu'il émerge pour se poser dans l'univers du signifiant (grand Autre)... à la fois se révélant (par le signifiant) mais effaçant toute trace matérielle de son passage et de lui-même. Telle est la causalité du sujet, ou causalité du signifiant, orientée sur le fait que « l'Autre ne doit pas savoir » : c'est ce non-savoir qui revient à la face du névrosé sous la forme de sa propre question.
"L'animal - vous dis-je - efface ses traces et fait de fausses traces. Fait-il pour autant, des signifiants? Il y a une chose que l'animal ne fait pas: il ne fait pas de traces fausses pour nous faire croire qu'elles sont fausses. Il ne nous fait pas de traces faussement fausses, si je puis dire, ce qui est un comportement, je ne dirai pas essentiellement humain, mais justement essentiellement signifiant. C'est là qu'est la limite. Vous m'entendez bien : des traces faites pour qu'on les croie fausses et qui sont néanmoins les traces de mon vrai passage, et c'est ce que je veux dire en disant que là se présentifie un sujet, quand une trace a été faite pour qu'on la prenne pour une fausse trace, là nous savons qu'il y a, comme tel, un sujet parlant, et là nous savons qu'il y a un sujet comme cause et la notion même de la cause n'a aucun autre support que celui-là... Nous essayons après de l'étendre à l'univers, mais la cause originelle c'est la cause comme telle d'une trace qui se présente comme vide, qui veut se faire prendre pour une fausse trace. Et qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire indissolublement que le sujet, là au moment où il naît, s'adresse à quoi ? Il s'adresse à ce que brièvement j'appellerai la forme la plus radicale de la rationalité de l'Autre. Car ce comportement n'a aucune autre portée possible que de prendre rang au lieu de l'Autre dans une chaîne de signifiants, de signifiants qui ont, ou n'ont pas, la même origine, mais qui constituent le seul terme de référence possible à la trace devenue signifiante. De sorte que vous saisissez là que, à l'origine, ce qui nourrit l'émergence du signifiant c'est une visée de ce que l'Autre, l'Autre réel, ne sache pas. Le « il ne savait pas » s'enracine dans un « il ne doit pas savoir ». Le signifiant sans doute révèle le sujet, mais en effaçant sa trace."LACAN, S.X, 12/12/1962
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire