L'inconscient conçu comme trame signifiante conforte le sujet dans une sorte d'autonomie et de permanence paradoxales, non parce qu'il serait maître de ce qui s'y "trame", mais parce que son identité fait référence à un signifiant unique et indestructible, le "trait unaire", dont la fonction, dit Lacan est d'être le support de la différence, de la distinction, de l'altérité. Ce trait est élidé bien entendu, refoulé, mais c'est lui qui se manifeste en creux dans l'automatisme de répétition, par exemple la formation symptomatique que l'analyse met à jour. C'est lui qui est désigné, faute d'être nommé, par le cycle concerné. Il est la mémoire du trauma originel sous la forme d'un comportement obstiné. Si ancré que puisse être ce comportement dans l'individualité vivante, c'est toujours le signifiant refoulé qui conduit le bal... et qui mène le sujet par le bout du nez. Ce sujet qui justement se situe dans un ente-deux entre la corporalité et la fonction signifiante, fonction qui le constitue comme tel (parlant et désirant) mais avec laquelle il ne se confond pas.
"Pourquoi est-ce que cette année j'ai cru devoir partir non pas de Platon même - pour ne point parler des autres - mais aussi bien pas de Kant, pas de Hegel, mais de Descartes ? C'est justement pour désigner que ce dont il s'agit, là où est le problème de l'inconscient pour nous, c'est de l'autonomie du sujet pour autant qu'elle n'est pas seulement préservée, qu'elle est accentuée comme jamais elle ne le fut dans notre champ, et précisément de ce paradoxe : que ces cheminements que nous y découvrons ne sont point concevables, si à proprement parler ce n'est le sujet qui en est le guide, et de façon d'autant plus sûre que c'est sans le savoir, sans en être complice si je puis dire, conscius : parce qu'il ne peut progresser vers rien, ni en rien, qu'il ne le repère qu'après coup, car rien qui ne soit par lui engendré, justement, qu'à mesure de le méconnaître d'abord. C'est ceci, qui distingue le champ de l'inconscient, tel qu'il nous est révélé par Freud : il est lui-même impossible à formaliser, à formuler, si nous ne voyons pas qu'à tout instant il n'est concevable qu'à y voir - et de la façon la plus évidente et sensible - préservée cette autonomie du sujet, je veux dire ce par quoi le sujet en aucun cas ne saurait être réduit à un rêve du monde. De cette permanence du sujet, je vous montre la référence et non pas la présence, car cette présence ne pourra être cernée qu'en fonction de cette référence. Je vous l’ai démontrée, désignée la dernière fois dans ce trait unaire, dans cette fonction du « bâton » comme figure de l’ 1 en tant qu’il n’est que trait distinctif, trait justement d’autant plus distinctif qu’en est effacé presque tout ce qui le distingue, sauf d’être un trait, en accentuant ce fait que plus il est semblable, plus il fonctionne, je ne dis point comme signe, mais comme support de la différence."LACAN, S.IX, 13/12/1961
""Le paradoxe de l’automatisme de répétition, c’est que vous voyez surgir un cycle de comportement, inscriptible comme tel dans les termes d’une résolution de tension du couple donc « besoin-satisfaction », et que néanmoins, quelle que soit la fonction intéressée dans ce cycle - si charnelle que vous la supposiez - il n’en reste pas moins que ce qu’elle veut dire en tant qu’automatisme de répétition, c’est qu’elle est là pour faire surgir, pour rappeler, pour faire insister, quelque chose qui n’est rien d’autre en son essence qu’un signifiant, désignable par sa fonction, et spécialement sous cette face, qu’elle introduit dans le cycle de ses répétitions - toujours les mêmes en leur essence, et donc concernant quelque chose qui est toujours la même chose – qu’elle y introduit la différence, la distinction, l’unicité."
LACAN, S.IX, 20/12/1961
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