"Ce père imaginaire, c'est lui et non pas le père réel, qui est le fondement de l'image providentielle de Dieu, et la fonction du surmoi, à son dernier terme, à son horizon, dans sa perspective dernière, est haine de Dieu, reproche à Dieu d'avoir si mal fait les choses. En fin de compte, ce dont il s’agit, c’est de ce tournant où le sujet s’aperçoit tout simplement, chacun le sait, que son père est un idiot, ou un voleur selon les cas, ou simplement un pauvre type, ou ordinairement un croulant. (...) Pour l’homme du commun, donc, en tant que le deuil de l’ŒDIPE est à la source, à l’origine du surmoi, la double limite au-delà de la mort réelle risquée - jusqu’à la mort préférée, assumée, jusqu’à l’Être pour la mort - ne se présente que sous un voile. Ce voile, c’est précisément ceci qui s’appelle, dans Jones, la haine, qui fait que c’est dans l’ambivalence de l’amour et de la haine que tout auteur analytique conscient, si je puis dire, met le dernier terme de la réalité psychique à laquelle nous avons affaire. C’est entre les deux, et dans la zone intermédiaire, que gît, pour l’homme du commun l’exercice de sa culpabilité, reflet de cette haine pour celui - car l’homme est créationniste - créateur, quel qu’il soit, qui l’a fait si faible et si insuffisante créature." (S.VII, 29/06/1960)
Surmoi, Père, Complexe d'Oedipe, Imaginaire, 1960
Freud avait désigné, explicitement, le père réel comme responsable de la castration du sujet ; Lacan ajoute le père imaginaire et la mère symbolique comme agents, respectivement, de la privation et de la frustration - selon le système des "trois manques" proposé dès les années cinquante. En quoi le père réel est-il castrateur ? Simplement d'être là en position de "besogner la mère", ce qui en fait un rival pour l'enfant. Or l'influence de ce père réel s'efface au déclin de l'Oedipe pour laisser la place au père imaginaire, un père admirable (un "père qui serait vraiment quelqu'un", Dieu le Père !) mais aussi un père qui déçoit, à qui l'enfant reproche d'avoir créé si mal les choses, de causer tant de privations, de l'avoir "en fin de compte - lui le gosse - si mal foutu". C'est donc à partir de cette image d'un père à la fois aimé et haï que va se construire la fonction du Surmoi, autour de deux (voire trois) sentiments indissociables : la haine (tournée contre le père) et la culpabilité (tournée contre soi), et éventuellement la crainte. Notons que cet aspect "pathologique" (au sens kantien) du Surmoi interdit de le confondre avec toute vraie conscience morale, avec tout impératif tant soit peu universalisable. Au final il s'agit de faire le deuil de ce père imaginaire (même s'il tiendra toute sa place dans l'inconscient du sujet) pour laisser advenir le seul père qui compte, celui qui reconnait l'enfant, dans sa parole, soit le père symbolique.
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