"L’amour comme signifiant - car pour nous c’en est un et ce n’est que cela - est une métaphore, si tant est que la métaphore nous avons appris à l’articuler comme substitution... C’est pour autant que - dans la fonction où ceci se produit - que l’ἐραστής [erastès] - l’aimant qui est le sujet du manque - vient à la place, se substitue, à la fonction de l’ἐρώμενος [erômenos] - qui est objet, objet aimé - que se produit la signification de l’amour..."
LACAN, S.VIII, 30/11/1960
"Cet « être de l’autre », dans le désir - je pense déjà l’avoir assez indiqué - n’est point un sujet... L’autre proprement, en tant qu’il est visé dans le désir, « est visé » ai-je dit - comme objet aimé... Je veux dire qu’essentiellement ce qui amorce ce mouvement, dont il s’agit dans l’accès que nous donne à l’autre, l’amour, c’est ce désir pour l’objet aimé qui est quelque chose que - si je voulais imager - je comparerais à la main qui s’avance : pour atteindre le fruit quand il est mûr, pour attirer la rose qui s’est ouverte, pour attiser la bûche qui s’allume soudain... Et cette main qui se tend, vers le fruit, vers la rose, vers la bûche qui soudain flambe, j’ai le droit d’abord de vous dire que son geste d’atteindre, d’attirer, d’attiser, est étroitement solidaire de la maturation du fruit, de la beauté de la fleur, du flamboiement de la bûche, mais que, quand dans ce mouvement d’atteindre, d’attirer, d’attiser, la main a été vers l’objet assez loin, si du fruit, de la fleur, de la bûche, une main sort qui se tend à la rencontre de la main qui est la vôtre, et qu’à ce moment-là c’est votre main qui se fige dans la plénitude fermée du fruit, ouverte de la fleur, dans l’explosion d’une main qui flambe, ce qui se produit là alors c’est l’amour !"
LACAN, S.VIII, 07/12/1960
Amour, Métaphore, Substitution, Objet, 1960
S'il est un échange, l'amour est d'abord un échange métaphorique, un mécanisme signifiant par lequel l'amant se substitue à l'aimé, ou encore le sujet (du manque) à l'objet (saturé de qualités). Ce qui est donc admirable dans l'amour, ce n'est pas en soi l'acte d'aimer ni le fait d'être aimé, c'est que miraculeusement l'aimé se fasse lui-même aimant et que l'amant devienne l'aimé : alors la métaphore se produit, une signification nouvelle est créée. Nulle symétrie malgré les apparences dans pareil processus, car le mouvement de substitution par lequel le désir répond au désir de l'autre n'est jamais prévisible. N'oublions pas la nature d'objet de l'aimé, initialement, que rien ne prédispose a priori à l'amour, et la substitution à laquelle il se prête demeure à jamais inexplicable. L'on ne saurait mettre en avant aucune causalité en terme d'avant et d'après, car la métaphore est instantanée ; aucun sens car le sens est justement produit par la métaphore ; aucun motif ni aucun intérêt utile. "C’est pour autant qu’Achille était dans la position de l’aimé que son sacrifice - ceci est expressément dit - est beaucoup plus admirable" : en effet il devient amant et se sacrifie en pure perte (alors qu'il aurait pu tranquillement rejoindre ses pénates) là où c'est en tant qu'aimante qu'Alceste se sacrifie pour son mari, note Lacan, opposant les deux personnages respectivement comme déraison et raison.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire