"Si nous continuons de suivre Freud, et je parle ici d’un texte comme le Malaise dans la civilisation, la jouissance est un mal. Elle est un mal parce qu’elle comporte le mal du prochain... Freud est littéralement horrifié devant « l’amour du prochain »... [Certes] Il est de la nature du bien d’être altruiste. Mais ce que Freud ici nous fait sentir, c’est que ce n’est pas là l’amour du prochain... A chaque fois qu’il s’arrête, comme horrifié devant la conséquence du commandement de l’amour du prochain, ce qui surgit, c’est la présence de cette méchanceté foncière qui habite en ce prochain, mais dès lors aussi en moi-même, car qu’est-ce qui m’est plus prochain que ce cœur en moi-même qui est celui de ma jouissance, dont je n’ose pas approcher ? Car dès que j’en approche - c’est là le sens du Malaise dans la civilisation - surgit cette insondable agressivité devant quoi je recule... C’est-à-dire, nous dit Freud, que je retourne contre moi, et qui vient donner son poids, à la place de la loi même évanouie, à ce qui arrête, à ce qui m’empêche de franchir une certaine frontière à la limite de la Chose... Il faudrait savoir affronter ceci, que la jouissance de mon prochain, sa jouissance nocive, sa jouissance maligne, c’est elle qui se propose comme le véritable problème pour mon amour." (S.VII, 16/03/1960)
Prochain, Jouissance, Mal, Principe de plaisir, FREUD,1960
Si Dieu est mort, si nous l'avons tué, alors justement tout n'est pas permis, seulement certains plaisirs, car "au-delà du principe de plaisir" la jouissance ne peut que demeurer interdite - d'être précisément l'enjeu essentiel, dans le mythe (freudien) de la mort de Dieu. Le problème de l'éthique, c'est qu'à la place de la Chose mythique, toujours logée comme un Alien au creux de notre être (elle est ce vide), nous plaçons notre Prochain, celui-là même que la religion voudrait que nous aimions "comme nous-mêmes". Des ces conditions cet Amour et ce Prochain seraient plutôt l'incarnation d'un mal, d'une agressivité et d'une méchanceté insondables, à la mesure de ma relation - horrifiée - avec ma propre jouissance. Amour du Prochain et bienveillance pour le semblable ne sont pas du tout du même registre, elles s'opposent comme la jouissance (par définition excessive) et la gestion des plaisirs. Le bien (même hédoniste) est partageable, tendanciellement altruiste ; la jouissance aucunement. De même que le plaisir ne sert finalement qu'à nous tenir éloigné de la jouissance, le minimum éthique serait de nous tenir également à distance de notre Prochain. En refoulant la question du désir, l'utilitarisme fournit une solution provisoirement viable, dès lors que contrairement à l'hédonisme antique il ne réduit pas le plaisir à une simple loi de nature mais l'élève à cette sorte de finalité contractuelle qu'il appelle le "bonheur collectif".
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