Moi, Amour-propre

Le MOI est trompeur, et l'amour-propre est trompeur, c'est bien la vérité qu'enseigne toute la tradition dite moraliste de La Rochefoucault à Nietzsche. Or il ne s'agit pas simplement de rappeler que selon l'hédonisme, chacun recherche son plaisir et que pour chacun le plaisir est son bien, mais le fait qu'il existe une illusion propre au moi telle que nos actions les plus altruistes et les plus vertueuses se ramènent en vérité à l'égoïsme et à l'amour-propre : nous faire bien voir, aux yeux des autres ainsi qu'à nos propres yeux. - Freud ajoute quelque chose de nouveau, à savoir que ce leurre tient son explication et sa vérité de l'inconscient.

"Ce qui était depuis Socrate, c'est que le plaisir est la recherche de son bien. Quoi qu'on pense, on poursuit son plaisir, on recherche son bien... Mais La Rochefoucauld fait valoir autre chose - qu'en nous engageant dans des actions dites désintéressées, nous nous figurons nous libérer du plaisir immédiat, et chercher un bien d'ordre supérieur, mais que nous nous trompons... Ce qui est scandaleux chez La Rochefoucauld, ce n'est pas que l'amour-propre soit pour lui au fondement de tous les comportements humains, c'est qu'il est trompeur, inauthentique. Il y a un hédonisme propre à l'ego, et qui est justement ce qui nous leurre, c'est-à-dire nous frustre à la fois de notre plaisir immédiat et des satisfactions que nous pourrions tirer de notre supériorité par rapport à ce plaisir... Cette conception s'inscrit dans une tradition parallèle à celle des philosophes, la tradition des moralistes. Ce ne sont pas des gens qui se spécialisent dans la morale, mais qui introduisent une perspective dite de vérité dans l'observation des comportements moraux ou des mœurs. Cette tradition aboutit à la Généalogie de la morale de Nietzsche, qui reste tout à fait dans cette perspective, en quelque sorte négative, selon laquelle le comportement humain est comme tel leurré. C'est dans ce creux, dans ce bol, que vient se verser la vérité freudienne. Vous êtes leurrés sans doute, mais la vérité est ailleurs. Et Freud nous dit où elle est." (S.II, 17/11/1954)

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