Haine, Etre

La HAINE, cet appel à la destruction de l'être, ressortit sans doute à la relation intersubjective dans sa dimension imaginaire, et cependant la haine demande aussi à perdurer comme telle, il s'agit donc d'abaisser l'autre au rang de vil objet, mais d'objet pérenne - c'est d'ailleurs là où réussit l'objectivation de l'être humain dans la civilisation contemporaine, rendant la haine plus anonyme et plus diffuse qu'auparavant.

"Si l'amour aspire au développement de l'être de l'autre, la haine veut le contraire, soit son abaissement, son déroutement, sa déviation, son délire, sa négation détaillée, sa subversion. C'est en cela que la haine, comme l'amour, est une carrière sans limite. Cela est peut-être plus difficile à vous faire entendre, parce que, pour des raisons qui ne sont peut-être pas si réjouissantes que nous pourrions le croire, nous connaissons moins de nos jours le sentiment de la haine que dans des époques où l'homme était plus ouvert à sa destinée. Certes, nous avons vu, il n'y a pas très longtemps, des manifestations qui, dans ce genre, n'étaient pas mal. Néanmoins, les sujets n'ont pas, de nos jours, à assumer le vécu de la haine dans ce qu'elle peut avoir de plus brûlant. Et pourquoi ? Parce que nous sommes déjà très suffisamment une civilisation de la haine. Le chemin de la course à la destruction n'est-il pas vraiment très bien frayé chez nous ? La haine s'habille dans notre discours commun de bien des prétextes, elle rencontre des rationalisations extraordinairement faciles. Peut-être est-ce cet état de floculation diffuse de la haine qui sature en nous l'appel à la destruction de l'être. Comme si l'objectivation de l'être humain dans notre civilisation correspondait exactement à ce qui, dans la structure de l'ego, est le pôle de la haine." (S.I, 07/07/1954)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire