Corps, Image

Le CORPS propre, ou plutôt son image, est toujours pour l'homme le filtre et la mesure de toute unité perçue dans les objets du monde. Cette unité du corps et donc du moi apparaît d'autant plus imaginaire qu'elle lui vient initialement - et toujours de façon anticipée - à partir de l'autre, du corps de l'autre. Et donc l'objet idéal même, l'objet de son désir qui pourrait être celui de la réconciliation ultime, restera pour lui à jamais inatteignable, toujours remis en cause, à l'image de sa propre unité à l'intérieur du monde.

"Qu'ai-je essayé de faire comprendre avec le stade du miroir ? Que ce qu'il y a en l'homme de dénoué, de morcelé, d'anarchique, établit son rapport à ses perceptions sur le plan d'une tension tout à fait originale. C'est l'image de son corps qui est le principe de toute unité qu'il perçoit dans les objets. Or, de cette image même, il ne perçoit l'unité qu'au-de­hors, et d'une façon anticipée. Du fait de cette relation double qu'il a avec lui-même, c'est toujours autour de l'ombre errante de son propre moi que se structureront tous les objets de son monde. Ils auront tous un caractère fondamentalement anthropomorphique, disons même égo­rmorphique. C'est dans cette perception qu'à tout instant est évoquée pour l'homme son unité idéale, qui n'est jamais atteinte comme telle et à tout instant lui échappe. L'objet n'est jamais définitivement pour lui le dernier objet, sinon dans certaines expériences exceptionnelles. Mais il se présente alors comme un objet dont l'homme est irrémédiablement séparé, et qui lui montre la figure même de sa déhiscence à l'intérieur du monde - objet qui par essence le détruit, l'angoisse, qu'il ne peut rejoindre, où il ne peut vraiment trouver sa réconciliation, son adhérence au monde, sa complémentarité parfaite sur le plan du désir. Le désir a un caractère radicalement déchiré." (S.II, 16/03/1955)

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