Lacan critique toute conception de la cure qui viserait une identification finale à l’analyste : ce serait ignorer le vrai moteur de l’analyse, l’objet (a). Freud, en distinguant amour et hypnose, montre que cette dernière repose sur une confusion entre l’Idéal du moi et l’objet, en l'espèce via la fascination du regard. L’analyse, elle, se fonde au contraire sur le maintien d’une distance entre l’Idéal du moi et (a). Le transfert écarte la pulsion, mais c’est le désir de l’analyste qui la ramène, en faisant chuter l’analyste de sa place d’idéal pour qu’il incarne l’objet séparateur. Au-delà du repérage de l’objet (a) et de la traversée du fantasme, le sujet rencontre alors la pulsion elle-même — ce point ultime et opaque que l’analyse n’a presque jamais abordé. Seule l’analyse didactique est censée boucler cette boucle, et même la parcourir plusieurs fois (Durcharbeiten). C’est le désir de l’analyste, orienté en sens inverse de l’identification, qui rend possible ce franchissement et ramène l’expérience à la réalité fondamentale de l’inconscient : la pulsion.
"Pour vous donner deux formules-repères qui soient aussi structurantes que possible, je dirai que si d'une part, - le transfert est ce qui écarte la demande de la pulsion, le désir de l'analyste est ce qui l'y ramène, et par cette voie d'isoler, - de mettre à la plus grande distance possible - le (a) du I, que lui, l'analyste est appelé, par le sujet, à incarner. C'est dans la mesure où l'analyste a - si je puis dire - à déchoir de cette idéalisation, pour être le support de cet objet séparateur qu'est le (a) dans la mesure où son désir lui permet de supporter - dans une hypnose en quelque sorte à l'envers - d'incarner, lui, l'hypnotisé, que ce franchissement du plan de l'identification est possible... C'est au-delà de cette fonction du (a) que la courbe se referme, se referme là où elle n'est jamais dite, concernant l'issue de l'analyse, à savoir après ce repérage du sujet par rapport au (a), cette expérience du fantasme fondamental devient la pulsion, car au-delà, c'est la pulsion qui est en cause. Qu'est-ce que devient celui qui a passé par cette expérience concernant ce rapport - opaque à l'origine par excellence - à la pulsion ? Comment peut être vécue, par un sujet qui a traversé le fantasme radical, comment dès lors est vécue la pulsion ? Ceci est l'au-delà de l'analyse et n'a jamais été abordé. Ce n'est jusqu'à présent abordable qu'au niveau de l'analyste, pour autant qu'il serait exigé de l'analyste d'avoir précisément traversé dans sa totalité le cycle de l'expérience analytique. Il n'y a qu'une psychanalyse : la psychanalyse didactique, ce qui veut dire une psychanalyse qui a bouclé cette boucle jusqu'à son terme."LACAN, S.XI, 24/06/1964
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