Masochisme, Mort

Le MASOCHISME primordial est l'autre nom de l'instinct de mort, qui est l'autre nom de la vie lorsque celle-ci est privée des conditions de la parole. Le destin du héros tragique exprime cette conjonction de la mort et de la vie, sous la guise d'une parole fatale prononcée à son insu. Ce qu'enseigne l'"Au-delà du principe du plaisir" de Freud c'est qu'au-delà d'une économie libidinale centrée sur des relations d'objets prédéfinies, au-delà des petits arrangements censés maintenir l'équilibre entre plaisir et réalité, et malgré les ruses de l'imaginaire faisant miroiter la toute puissance du moi, il existe une malédiction inhérente à la vie humaine dont la seule fin annoncée, la seule obsession est de retourner à la mort.

"Le masochisme n'est pas un sadisme inversé, le phénomène de l'agressivité ne s'explique pas simplement sur le plan de l'identification imaginaire. Ce que Freud nous enseigne avec le masochisme primordial, c'est que le dernier mot de la vie, lorsqu'elle a été dépossédée de sa pa­role, ne peut être que la malédiction dernière qui s'exprime au terme d'Œdipe à Colone. La vie ne veut pas guérir. La réaction thérapeutique négative lui est foncière. La guérison, d'ailleurs, qu'est-ce que c'est ? La réalisation du sujet par une parole qui vient d'ailleurs et le traverse. La vie dont nous sommes captifs, vie essentiellement aliénée, ex­sistante, vie dans l'autre, est comme telle conjointe à la mort, elle re­tourne toujours à la mort, et n'est tirée dans des circuits toujours plus grands et plus détournés que par ce que Freud appelle les éléments du monde extérieur... La vie ne songe qu'à mourir. Mourir, dormir, rêver peut-être, comme a dit un certain mon­sieur, au moment précisément où il s'agissait de ça - to be or not to be." (S.II, 19/05/1955)

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